Au cours de mes années d’enseignant, j’ai été amené à utiliser de très nombreuses séquences de films, de fiction ou documentaires, mais toujours par extraits dans mes cours. Pour des raisons à la fois juridiques et pédagogiques, j’ai évité dans la mesure du possible de passer des œuvres cinématographiques en entier…
Le problème est bien sûr différent quand il s’agit d’un film vu par les élèves lors d’une sortie scolaire, dans le cadre d’associations ou de dispositifs comme Collège au cinéma : dans ce cas, le film peut faire l’objet d’une préparation bien en amont, souvent interdisciplinaire. Il y a peu, les élèves de sixième ont été emmenés à la projection des Temps modernes : avec l’aide de la collègue de français, nous avons pu ainsi évoquer avec les collégiens, les débuts du cinéma jusqu’aux années 1930, la carrière de Charlie Chaplin, et quelques aspects importants du film (nous avons mis ces travaux sur ce blog dans la rubrique documents pédagogiques).
De même, il nous est arrivé de montrer Nuit et brouillard intégralement à des collégiens de troisième : en général, la séance avait lieu en dehors des heures de cours avec seulement les élèves volontaires. Surtout, ce documentaire doit impérativement faire l’objet d’un travail d’accompagnement : la violence des images peut troubler les élèves les plus fragiles, si on ne prend pas la peine d’expliciter le contenu, d’autant que le film garde toute son efficacité….
Grâce aux travaux de Sylvie Lindeperg, nous avons pu ainsi évoquer la genèse du film, son auteur Alain Resnais, les difficultés que ce moyen métrage a rencontrés à sa sortie. Ensuite, nous avons pu faire le point sur ce que nous apprend le film sur le phénomène concentrationnaire, en précisant bien qu’il reflète parfaitement l’état des connaissances à une période donnée : en particulier, la spécificité de l’extermination des juifs n’est pas encore vraiment reconnue par l’historiographie de l’époque (cf article Nuit et brouillard sur ce blog).
En général, je me suis donc cantonné à ne passer que des extraits de quelques minutes, qui ont fait l’objet d’une exploitation pédagogique parfois sous forme écrite : la seule exception notable est le documentaire de William Karel, Mourir à Verdun, dont je passais un extrait d’une quarantaine de minutes : ce film présente un intérêt certain car la forme en est très aboutie : il mélange ainsi des documents d’origines diverses : un commentaire historique « classique », des documents d’archives provenant en général du Service Cinématographique Photographique des Armées, des séquences en couleurs tournées sur le camp de bataille, enfin des lettres de poilus lues par l’acteur Pierre-André Donnadieu.
J’ai donc privilégié la diffusion d’extraits courts, voire très courts, de quelques minutes à une vingtaine de minutes au maximum (cela a été le cas pour l’extrait du film de Raymond Depardon, Délits flagrants qui évoque le cas de Muriel L. ou pour la séquence finale du J’accuse d’Abel Gance de 1938) : la difficulté est de bien sélectionner l’extrait, pour qu’il soit assez cohérent en lui-même et assez riche pour faire l’objet d’une exploitation pédagogique.Un avantage collatéral de ne passer que de courts extraits est d’éveiller l’intérêt des élèves : très souvent, ils sont bien sûr demandeurs pour qu’on leur passe la suite du film…
En début de carrière, je donnais systématiquement de petits questionnaires pour guider les élèves : en particulier, les questions portaient sur la nature du document audiovisuel (le document est -il d’époque ou reconstitué, est-il constitué d’images d’archives ou est-ce un film de fiction…), ainsi que sur les informations que donnait l’extrait filmique sur le sujet discuté . Par la suite, j’ai souvent renoncé à ce procédé car les élèves avaient du mal à se concentrer à la fois sur les questions, le film qui passait à l’écran, éventuellement le commentaire qui l’accompagnait…Par contre, je leur ai souvent demandé de prendre des notes pendant la projection, ce qui n’est jamais facile pour eux ( ils ont ainsi bien du mal à relever ce qui est important…) : je leur indiquais souvent avant les questions que je leur poserai après la projection. L’essentiel pour moi était qu’ils aient une attitude active et que la diffusion de l’extrait d’un film ne soit pas considérée comme une distraction !
Dans la mesure du possible, j’essaie d’introduire des questions sur la forme proprement cinématographique : comment les personnages sont cadrés, éclairés , éventuellement les mouvements de caméra ou d’autres éléments encore comme la musique. La séquence de La Ligne générale d’Eisenstein s’y prête particulièrement bien : elle est très découpée -les plans sont très courts- avec de forts contrastes de lumière, des visages éclairés par en dessous, des jeux sur les intertitres, de nombreux plans sur mise en marche de l’écrémeuse, avec des images qui évoquent les jeux d’eaux de Versailles ! Tout ce qui fait le style du cinéaste soviétique, mais qui sera considéré comme trop formaliste à l’époque de Staline et dénoncé comme tel…
Aussi, je vous propose plusieurs documents , que j’ai élaboré au fils des ans :
-des propositions de films utilisés surtout en histoire pour les niveaux de sixième, quatrième et troisième (ce sont les trois niveaux que j’ai assuré pendant toute une partie de ma carrière)
-quelques exemples plus ciblés de travaux que j’ai pu établir sur certains films bien précis
-un éclairage particulier sur un sujet que j’ai présenté en stage…et en classe : l’extermination des Juifs présentés à partir de documents audiovisuels