L’Indien dans le cinéma américain : l’histoire d’une reconnaissance…

L‘indien dans le cinéma américain : L’histoire d’une reconnaissance…

(cet article a été rédigé pour le dossier du film Cœur de tonnerre)

  Au delà de son interêt proprement cinématographique, Cœur de Tonnerre, le film de Michael Apted permet d’évoquer un sujet récurrent surtout dans les westerns : l’image de l’Indien dans le cinéma américain. De ce point de vue, Cœur de Tonnerre s’inscrit dans un contexte précis : le renouveau du film pro-indien après la réussite inespérée du film de Kevin Costner, Danse avec les loups...Mais il présente en plus un aspect original par rapport à la production antérieure : le film de Michael Apted décrit des Indiens contemporains, en lutte pour la défense de leurs droits dans les années 1970.

Des Indiens humains
Auparavant, on peut rappeller les grandes étapes de la représentation de l’Indien dans la production holywoodienne.
Dans les temps « héroïques » du Muet, l’image de l’Amérindien est sans doute plus nuancée qu’on a longtemps cru (voir à ce sujet les analyses de Jean-Louis Leutrat et de Georges -Henri Morin ou la rétrospective organisée par la Cinémathèque sur les westerns des années 1910 en novembre 1997). Comme l’écrit Claudine Kaufmann, « l’Indien y est traité à l’égal des Blancs, il est même souvent paré de vertus qui font cruellement défaut à ces derniers ». Beaucoup de ces productions ont souvent une dimension ethnologique, comme ces Indian Stories réalisés entre 1900 et 1914 et qui prétendent reconstituer la vie et les coutumes des Indiens (d’autant qu’il existe encore quelques survivants de l’époque héroïque…). David W. Griffith présente des personnages d’Indiens qui bénéficient d’un traitement plutôt favorable : ce sont des incarnations du bon Sauvage dans la tradition du XVIII° (ce n’est alors pas le cas des Noirs représentés dans les films du réalisateur de Naissance d’une Nation…) ; Thomas Ince est un admirateur de la race indienne et essaie de donner une image juste et sensible des Peaux Rouges ( The Great Massacre en 1912, The Way of the mother en 1913) : il n’hésite pas à recruter de véritables Indiens, d’ailleurs habitués au spectacle (ils ont souvent participé au Wild West Show de Buffalo Bill). Dans les années 1920, on peut aussi relever plusieurs films qui affichent un parti-pris pro-indien. Ainsi, The Silent Enemy de H.P Carver (1930) décrit les activités d’une tribu isolée dans les forêts canadiennes, un peu à la manière d’un Robert Flaherty évoquant les mœurs des Esquimaux dans Nanouk of The North (1920).

L’Indien , un obstacle à la conquête de l’Ouest
Mais progressivement , le discours sur les Indiens change de ton : « l’avènement du Parlant et l’élargissement du marché du western ont contribué à canoniser cette image négative de l’Indien sanguinaire que nous connaissons tous » (Raphael Bassan, revue du Cinéma, n° 435). C’est en effet l’époque où un certain nombre de réalisateurs prestigieux (John Ford, Cecil B.DeMille, Raoul Walsh, King Vidor,…) élabore la forme classique du western. Or, la mythologie de l’Ouest mise au point par ces cinéastes est sans pitié pour les premiers occupants du continent américain : les Indiens deviennent un obstacle à éliminer, dans la marche irrésistible vers l’Ouest. Il n’est pas question qu’ils puissent entraver le « destin manifeste » du peuple américain et ils s’apparentent aux divers fléaux naturels comme la grêle ou l’orage, que les colons devaient affronter dans la Prairie.
Aussi, leur image dans la production hollywoodienne se dégrade sérieusement : les Indiens apparaissent comme une masse anonyme de sauvages hostiles et cruels (quand un personnage indien est individualisé, il est souvent incarné par un acteur à l’aspect patibulaire, comme Wallace Beery en Mangua dans le premier Dernier des Mohicans, ou comme Boris Karloff en chef des Senecas dans Les Conquérants du Nouveau Monde de Cecil B. DeMille…). On s’intéresse fort peu à leur manière de vivre : le village indien apparaît surtout lors de la classique scène où le Blanc est torturé au milieu de Peaux-Rouges hurlants (Gary Cooper dans Les Aventures de Buffalo Bill du même Cecil B.DeMille). Ils frappent brusquement, apparemment sans (bonne) raison, et ne l’emportent sur les Blancs, que lorsqu’ils profitent d’une supériorité numérique écrasante ( comme par exemple dans la séquence de Little Big Horn dans La Charge fantastique de Raoul Walsh).
Il existe bien sûr des exceptions et les cinéastes que nous avons cité ont souvent assez de talent pour ne pas apparaître trop manichéens. King Vidor par exemple raconte dans NorthWest Passage l’odyssée d’une troupe de Rangers qui ravage avec sauvagerie…un village indien. William Wellman évoque dans Buffalo Bill (1944) l’histoire d’un des personnages les plus illustres amis en trace un portrait nuancé :le héros qu’il nous présente est plutôt fragile ,au point de culpabiliser d’avoir tué son ami Cheyenne, le chef Main Jaune.
Mais, en général le western classique laisse peu d’espace aux Amérindiens. Le Mythe de l’Ouest n’est pas prêt d’être remis en cause, d’autant, que, dans ces années 1930, l’Amérique s’est mise à douter d’elle-même après le krach économique et qu’elle a grand besoin d’un fondement idéologique solide…

Vers la reconnaissance
La période des années 1950 est celle du doute. Certes, l’idéologie maccarthyste fait peser une chape de plomb sur la production hollywoodienne, mais certaines questions se posent en termes différents. Au moment où la lutte des Noirs pour leurs droits s’intensifie, certains réalisateurs s’attachent à présenter les Indiens comme des êtres humains sensibles et surtout doués de valeurs morales. Dans le très célèbre film de Delmer Daves Broken Arrow (1950), le chef Apache Cochise est un honnête homme, qui préfère une bonne paix à une mauvaise guerre ( ce film a la réputation, un peu usurpée, d’être le premier western pro-indien…). Les personnages indiens commencent à être « aimables », c’est à dire susceptibles de provoquer l’amour des Blancs comme Sonseeaharay qui attire James Stewart dans le film de Delmer Daves ou la jeune Indienne Teal Eye qui séduit le compagnon de Kirk Douglas dans La Captive aux yeux clairs d’Howard Hawks (1952) (on remarquera quand même que les réalisateurs n’osent pas encore proposer le schéma inverse : une jeune femme blanche attirée par un Indien…).
Mais cette représentation nouvelle, qui témoigne d’une réelle sympathie des cinéastes pour la cause indienne, a quand même ses limites. D’abord, les personnages d’Indiens sont encore interprétés par des acteurs…blancs, comme Jeff Chandler, Anthony Quinn, Robert Taylor, Burt Lancaster…Surtout, on fait la différence entre le « bon » Indien qui veut traiter avec les Blancs et s’intégrer à leur monde, et le Peau-Rouge extrémiste qui refuse toute concession, genre Geronimo (on retrouve cette opposition dans le film de Delmer Daves). Dans La Porte du Diable , Anthony Mann évoque justement les difficultés de Lance Poole (Robert Taylor), métis Indien qui a combattu dans les rangs de l’Union, à trouver sa juste place dans le monde des Blancs…

Une image retournée
Dans les années 1960-1970, la représentation de l’Indien évolue encore, à un moment où l’Amérique connaît d’importants mouvements politiques et sociaux. : la contestation à la guerre du Vietnam s’étend, en particulier dans la jeunesse étudiante, le mouvement noir se radicalise, après les déceptions des actions non-violentes (Malcom X et la Nation of Islam, les Black Panthers). C’est à cette époque qu’un mouvement original apparaît dans la communauté amérindienne : En 1968, est fondé à Minneapolis (Minnesota) l’American Indian Movement (AIM), qui tente de fédérer l’ensemble des tribus du continent. Plusieurs actions spectaculaires sont entreprises, comme les occupations de l’ile d’Alcatraz (1969) et du site de Wounded Knee (1973), ou la longue marche de San Francisco à Washington entre février et juillet 1978. Une lutte juridique acharnée est aussi menée pour empêcher certaines grandes compagnies d’énergie, soutenues par l’État fédéral, de mettre la main sur les richesses minérales situées dans les réserves indiennes ( dans ces territoires, se trouvent 30% du charbon des États-Unis, 30% du pétrole, 90% de l’uranium…). C’est justement toutes ces luttes qui constituent le contexte historique dans lequel évoluent les personnages de Cœur de Tonnerre
A cette époque, une nouvelle génération de cinéastes souvent « libéraux » (c’est à dire aux États-Unis plutôt à gauche voire à l’extrème-gauche…) représente les Indiens de manière radicalement nouvelle (on donne parfois à l’ensemble des films qu’ils ont réalisé, le nom de wilderness cycle cycle de la vie sauvage– car la plupart évoquent une époque où l’Ouest est encore sauvage…).
D’abord, comme à l’époque du Muet, la vie quotidienne des Indiens est montrée de manière réaliste : les acteurs sont cette fois vraiment Indiens (le savoureux Chief Dan George dans Little Big Man, Will Sampson dans Josey Wales), les coutumes décrites avec précision (par exemple la Danse du Soleil dans Un Homme nommé Cheval d’Elliot Silverstein). Certains dialogues sont même interprétés en langue indienne ( dans Les Cheyennes de John Ford…). Surtout, le monde indien apparaît comme largement supérieur à celui des Blancs et les héros ne cachent pas leur préférence (comme le personnage interprété par Dustin Hoffmann dans Little Big Man). Les Indiens vivent en harmonie avec la Nature, ne tuant les animaux que par nécessité et leur vie sexuelle semble épanouie (la représentation des villages indiens présente plus d’une analogie avec celle des communautés hippies…). A l’inverse, les Blancs ont une image particulièrement négative : ils sont violents, cruels, hypocrites, attirés par l’appât du gain. Certains personnages légendaires sont dépeints avec férocité, comme le général Custer présenté comme un fou mégalomane dans Little Big Man. Pour la première fois, des réalisateurs américains évoquent avec précision des épisodes du génocide des Indiens, comme le massacre de Sand Creek dans Soldier Blue ou celui de la Washita dans le film d’Arthur Penn. Ces séquences devaient d’ailleurs rappeler aux spectateurs américains de l’époque d’autres atrocités commises par l’armée des États-Unis, mais cette fois dans des villages vietnamiens (comme la destruction du village de My Lai en 1968).
Ainsi, des années 1930 aux années 1970, l’image de l’Indien a été presque « retournée » : l’Amérindien n’a plus le rôle négatif d’antan, il est devenu le symbole d’un « Paradis perdu », saccagé par l’arrivée intempestive des Blancs sur le continent…

   Au cours de la période suivante, l’image de l’Indien s’estompe dans le cinéma américain…D’abord parce que le genre du western connaît un déclin peut-être irréversible (le nombre de films de ce genre diminue de façon sensible : une demi-douzaine entre 1980 et 1990 contre plus de quarante dans la décennie précédente…). Les « grands » cinéastes du genre se font rares : la carrière de Sam Pekincpah s’achève, alors que celle de Clint Eastwood démarre, mais celui-ci ne tourne qu’un western, Pale Rider à cette époque…Le contexte politique a aussi changé : le mouvement de contestation des Indiens a été étouffé par la répression brutale du FBI, notamment après l’occupation de Wounded Knee. Signe des temps, Michael Cimino réalise en 1980 La Porte du Paradis, qui décrit l’âpreté des luttes sociales lors de la Conquête de l’Ouest…Mais cette vision est trop dérangeante pour le public américain comme pour les studios hollywoodiens et le cinéaste subit un échec cinglant…

Autour de Danse avec les loups
Aussi, le succès du film de Kevin Costner en 1991 constitue presque un paradoxe : il intervient en effet dans une Amérique post-Reagan, qui prône le retour aux valeurs traditionnelles. Le président Républicain, lui-même acteur dans plusieurs westerns, ne manquait pas de donner en exemple le courage et la volonté de ces pionniers de l’Ouest. Le film de Kevin Costner, qui se situe bien dans la lignée des films pro-indiens des années 1960-1970, obtient donc un succès qui surprend la profession (la maison de production Orion tergiverse longtemps avant de financer le projet…). D’autant que l’acteur-réalisateur ne semble faire aucune concession. Il s’assure de la caution scientifique d’un universitaire Sioux, Albert White Hat, qui lui fournit tous les détails nécessaires à une reconstitution authentique : en particulier, le spécialiste a traduit les dialogues interprétés par les personnages indiens en langue Lakota et un tiers du film est présenté en version originale Sioux sous-titrée , une hérésie, aux États-Unis… Costner, qui ne s’était pas fait une réputation d’acteur engagé, n’a pas caché ses intentions : « le film décrit un chapitre de l’Histoire américaine que tout le monde connaît mais refuse d’appeler un génocide. On a exterminé les Indiens et détruit toute leur culture pour posséder leur terre ». C’est après le succès reconnu par toute la profession (Danse avec les loups a reçu 7 Oscars…) qu’Hollywood s’est intéressé à un thème si prometteur de bénéfices…Désormais « L’Indien apparaît sous les dehors les plus sympathiques qui soient : il est naturel, il est bio, il est light » (Bernard Geniès, Nouvel Observateur, 1992). En d’autres termes, il est devenu « historiquement correct » et parfaitement consommable…Plusieurs des réalisateurs « blancs » apprécient en particulier l’écologie « naturelle » des peuples indiens.. Kevin Costner, Michael Apted ou Val Kilmer, qui sont parfois eux-mêmes des militants de la cause écologiste, apprécient le respect que portent les Amérindiens à leur environnement…Ils sont sensibles aux luttes menées dans les réserves contre l’exploitation intensive des matières premières par certaines grandes entreprises privées…

Une brèche est ouverte dans laquelle vont s’engouffrer quelques cinéastes, sincèrement sympathisants de la cause indienne (sans oublier certains acteurs comme Robert Redford qui ont mené un long combat pour réaliser ou produire des oeuvres courageuses… ). Leur démarche a aussi l’interêt d’évoquer les problèmes les plus contemporains des Amérindiens. C’est ainsi en 1992 que Michael Apted réalise avec l’aide de Redford , deux films qui évoquent dans des registres différents (un documentaire et une fiction) des incidents qui se sont produits dans la réserve indienne de Pine Ridge au Dakota du Sud. Incidents à Oglala est une enquête minutieuse sur la mort de deux agents du FBI survenue dans ce territoire…Le film met en évidence la misère de ces populations laissées à l’abandon et les manupilations du FBI dans sa lutte acharnée contre les militants de l’AIM…Dans Coeur de Tonnerre, un agent du FBI d’origine indienne, interprété par Val Kilmer, est envoyé dans la réserve sioux pour élucider un meurtre : il s’oppose à des responsables Indiens corrompus et dévoile une conspiration montée pour s’emparer des richesses situées sur le territoire indien…En passant, il renoue avec les valeurs de son peuple…C’est la même année qu’est réalisé Dark Wind par Errol Morris, une adaptation d’un des célèbres romans de Tony Hillerman (le héros de ses livres est un policier Navajo Joe Leaphorn) , ainsi que Le Dernier des Mohicans réalisé par Michael Mann . Dans ce dernier film, Le cinéaste adopte d’ailleurs une démarche assez voisine de celle de Costner : il se dit sensible à « l’injustice faite aux Indiens » (…) On les a exterminés, on a annihilé leur culture et l’idéologie coloniale qui les a anéantis est loin d’être morte ». Le principal héros indien du Dernier des Mohicans, Chingachook, dit à son fils adoptif Œil de Faucon : « la frontière avance avec le soleil et elle chasse l’homme rouge hors des forêts sauvages. Jusqu’au jour où il ne restera plus rien. Plus de frontière…Alors notre race n’existera plus ou ne nous ressemblera plus ».
Ces cinéastes ont aussi récupéré comme interprètes des vétérans des luttes de l’AIM des années 1970, comme s’ils avaient voulu donner une garantie de plus de leur sincérité…John Trudell, qui joue dans les deux films de Michael Apted comme témoin et comme acteur, a été l’un des principaux militants du Red Power. Il a participé à tous les actions d’éclat (Alcatraz, Wounded Knee,…) et présidé le mouvement pendant plusieurs années…Il l’a d’ailleurs payé cher : le FBI l’a longtemps pourchassé et sa famille a disparu dans un incendie suspect…Russel Means, qui interprète Chongachook dans Le Dernier des Mohicans, est l’un des cofondateurs de l’AIM et porte parole des Indiens lors de l’occupation de Wounded Knee.
Mais cet engouement pour le monde indien semble déjà retombé : certes, des personnages amérindiens sont apparus dans quelques films récents (Dead Man de Jim Jarmush en 1996, Sunchaser de Michael Cimino en 1996, The Brave de Johnny Depp en 1997). Geronimo de Walter Hill est même consacré totalement aux derniers temps du chef Apache ( ce film a notamment le mérite de dénoncer la manipulation historique qui consistait à présenter le méchant Geronimo opposé au bon Cochise, en oubliant d’évoquer la déportation tragique des Apaches en Floride…). Mais, les Amérindiens ont considéré ces films réalisés par des Blancs avec une méfiance certaine. Russel Means est sans indulgence pour les films de Michael Apted et dénigre Danse avec les loups, sorte de « Lawrence des Plaines », qui permet au public américain de « ne pas se sentir coupable ». Un autre film PowWow Hihgway réalisé à la même époque par Jonathan Wacks (1989) a aussi choqué certains membres de la communauté car il présentait des personnages trop stéréotypés d’Indiens ivrognes et violents. Graham Greene, qui a joué dans Danse avec les loups et Cœur de Tonnerre, dénonce les nouveaux clichés des cinéastes blancs à propos des rôles qu’on donne aux Amérindiens : « maintenant que nous sommes plus les « méchants » ou les « nobles » de service, les réalisateurs se sentent presque tous obligés de faire de l’Amérindien un être mystique, forcement en quête de ses racines »… Les producteurs d’Hollywood restent aussi prudents et hésitent à confier des rôle de premier plan à des acteurs indiens : le personnage de Jim Chee dans Dark Wind est interprété par Lou Diamond Phillips connu pour sa prestation dans La Bamba, et Val Vilmer s’est donné bien du mal à faire la preuve de la pureté de son ascendance indienne. Enfin, on peut constater, qu’à l’inverse des Afro-américains, les réalisateurs indiens ont du mal à faire entendre leur différence. Leur existence est avérée mais peu connue du grand public. Ces cinéastes indiens émergent après les luttes des années 1970 mais sont surtout des documentalistes. Par la force des choses, car la réalisation d’une fiction suppose un budget conséquent, en général inaccessible…On peut ainsi citer Victor Masayesva, Phil Lucas, Chris Spotted Eagle, qui a dénoncé les conditions de vie des détenus indiens dans The Great Spirit Within The Hole (1983). Plusieurs d’entre eux sont d’origine canadienne comme Alanis Obomsawin (elle a pu tourner, avec l’aide de l’Office National du Film de Montréal une enquête sur les incidents qui avaient opposé les Indiens Mic-Mac et les autorités du Québec…). Les œuvres de fiction sont rares mais on peut mentionner le film de Bob Hicks, Return of the Country (1982), première œuvre de ce genre réalisée par un Indien. Le ton est aussi original car ce court-métrage est une satire décapante, où l’un des personnages imagine un monde à l’envers : un Président Indien, une réserve blanche…Mais la diffusion de ces films reste confidentielle (en général, des festivals ou des chaînes de télévision spécialisées) et aucun cinéaste indien n’a réussi le cross-over (c’est à dire être entendu au delà de sa propre communauté), comme ont pu le faire des réalisateurs afro-américains comme Spike Lee ou Mario Van Peebles…Comme l’écrit Paul-Louis Thirard, « le sort du peuple indien est fort différent (comme le montre le cinéma aussi, reflet du réel) de celui du peuple noir, différemment opprimé, différemment contestataire. En théorie, rien n’empêcherait la « mise en spectacle » de l’exploitation indienne de donner lieu à la même commercialisation que celle de la vie de Malcom X. Mais malgré quelques échos, on ne semble pas (pas encore) en être là » (Positif, n° 383, janvier 1993). Peut-être les Indiens payent-ils leur refus de s’intégrer à la société blanche…Leur présence à l’écran reste marginale comme leur existence dans l’Amérique d’aujourd’hui…
Au terme de cette rapide étude, on mesure à quel point l’image de l’Indien a varié et a été sensible à la conjoncture idéologique. Cette évolution est presque cyclique : d’une vision quasi rousseauiste dans les films du Muet, on est passé à une représentation de l’Indien presque diabolique…Après guerre, est venu le temps des remises en cause et de la réhabilitation. Au bout de près d’un siècle, les Indiens ont quand même obtenu du cinéma américain qu’il reconnaisse leur différence..On peut même estimer que certains de leurs auteurs, chanteurs, et même cinéastes d’origine indienne sont parvenus à faire entendre leur différence : Sherman Alexie et Jim Welsh dans la littérature, John Truddel dans le rock ou encore Chris Eyre, qui réalise en 1998 Phoenix Arizona , film entièrement mis en œuvre par des Indiens .

 

FILMOGRAPHIE (TRÈS ) SÉLECTIVE :
L’époque du Muet :
Le Dernier des Mohicans (The Last of the Mohicans) : Maurice Tourneur, Clarence Brown (1920)
The Silent Enemy : HP Carver (1930)

Le Western classique :
Une aventure de Buffalo Bill (The Plainsman) : Cecil B. DeMille (1936)
La Chevauchée fantastique (Stagecoach) : John Ford (1939)
La Charge Fantastique (They Died with tier boots on) : Raoul Walsh (1942)

Les années 1950 :
La Flèche brisée (Broken Arrow) : Delmer Daves (1950)
La Porte du Diable (Devil’s Doorway) : Anthony Mann (1950)
La Captive aux yeux clairs (The Big Sky) : Howard Hawks (1952)
Bronco Apache (Apache) : Robert Aldrich (1954)
Le massacre de Fort Apache (Fort Apache) : John Ford (1947)
Les Cheyennes (Autumn Cheyenne) : John Ford (1964)

« Le cycle de la sauvagerie » :
Willie Boy (Tell Them Willie Boy Is Here) : Abraham Polonsky (1969)
Soldat Bleu (Soldier Blue) : Ralph Nelson (1970)
Un Homme nommé Cheval (A Man Called Horse) : Elliot Silverstein (1970)
Little Big Man : Arthur Penn (1971)
Jeremiah Johnson : Sidney Pollack (1972)

Les années 1990 :
Danse avec les loups ( Dancing With The Wolves) : Kevin Costner (1991)
Le Dernier des Mohicans (Last Of the Mohicans) : Michael Mann (1992)
Incident à Oglala : Michael Apted (1992)
Cœur de Tonnerre (Thunderheart) : Michael Apted (1992)
Geronimo : Walter Hill (1993)
Dead Man : Jim Jarmush (1996)
Sunchaser : Michael Cimino (1996)
The Brave : Johnny Depp (1997)
Phoenix Arizona (Smoke Signals) : Chris Eyre (1998)

3 réflexions sur “ L’Indien dans le cinéma américain : l’histoire d’une reconnaissance… ”

  1. Pour compléter cet excellent article surtout en ce qui concerne l’image de l’amérindien du XXe siècle, 2 films qui montrent des Indiens dans l’armée américaine durant la 2e guerre mondiale :
    -MEMOIRES DE NOS PERES de Clint Eastwood (2006) qui montre la manipulation par l’armé e américaine de l’image du drapeau planté par les Marines au moment de la prise Iwo Jima. Trois soldats sont promenés dans le pays à des fins de propagande sans que l’on sache s’ils étaient vraiment sur la photo. Ce qui concerne notre propos est que l’un des trois est un Amérindien qui est tiré de sa réserve et ,ne supportant pas le rôle que l’armée lui fait jouer, sombre dans l’alcoolisme . Eastwood aborde les conditions de vie dans les réserves (misère, tuberculose , alcoolisme) et montre comment le supposé héros est constamment renvoyé à son indianité c.a.d à son infériorité par les politiques et les militaires ; il est un héros mais reste un Indien avant tout… Tiré de l’histoire vraie de Ira Hayes (cf Wikipédia).
    -WINDTALKERS LES MESSAGERS DU VENT de John WOO(2002) fait référence à l’utilisation de Navajos comme opérateurs radio durant la 2e guerre mondiale pour rendre les communications incompréhensibles par les Japonais. Ils étaient accompagnés d’une sorte d’ange gardien qui devait les protéger mais aussi les abattre si nécessaire pour protéger le code en évitant qu’ils puissent être fait prisonniers. Le film est américain avec des acteurs américains même si le réalisateur John Woo est chinois.
    Les deux films font référence au rôle des Amérindiens dans la seconde guerre mondiale avec Adam Beach un acteur canadien « native » à chaque fois.
    Pour terminer(c’est hors sujet le film étant français ) en 2013 Arnaud Desplechin tourne JIMMY P. (PSYCHOTHERAPIE D’UN INDIEN DES PLAINES) mettant en scne les rapports entre le thérapeute Georges Devereux et un vétéran américain amérindien de la 2e guerre mondiale atteint de troubles post-traumatiques. Ces troubles lui viennent de son vécu mais également de l’opposition entre sa culture indienne avec la culture de l’Amérique blanche.
    Assisterait-on à la naissance d’un sous-genre style » L’Indien dans l’armée américaine » (dans le western de nombreux Indiens apparaissent comme éclaireurs des Tuniques Bleues mais ne sont pas dans l’armée ou sont en fait des « traitres »)…

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