My Son the Fanatic, un film de Udayan Prasad
Royaume-Uni, 1 heure 28, 1997
Interprétation : Om Puri, Akbar Kurtha, Gopi Desai,
Rachel Griffiths, Stellan Skarsgard
Synopsis :
Parvez a immigré du Pakistan, vingt cinq ans auparavant, avec son ami Fizzy. Il s’est très bien adapté à son nouveau pays : il apprécie le whisky, les disques de jazz, une certaine liberté…Chauffeur de taxi à Bradford, il gagne difficilement sa vie et il a tout misé sur son fils Farid, qui fait de brillantes études de comptabilité et va bientôt épouser Madelaine, la fille du commisaire de police de la ville…
Parmi ses clients habituels, Parvez s’est pris d’amitié pour Bettina, une jeune prostituée avec qui il aime bien bavarder… il lui confie ses espoirs, surtout à propos de son fils. Mais Farid semble évoluer étrangement : il rompt ses fiançailles, débarrasse sa chambre de tous ces objets « occidentaux »…Le chauffeur de taxi envisage même que son fils soit devenu drogué…
Il prend aussi en charge un homme d’affaires allemand, M. Schitz, tout prêt à s’encanailler avec Bettina…Parvez est de plus en plus inquiet à propos de Farid il confie à la jeune prostituée ses inquiétudes. Ses rapports avec la jeune femme prennent une tournure plus intime, alors que son fils s’engage résolument vers l’islamisme…
My Son the Fanatic, de l’intégration ethnique à la désintégration familiale
Le film d’Udayan Prasad témoigne de la vitalité du cinéma anglais qui n’hésite pas à s’intéresser aux sujets sensibles de la société britannique. Depuis plusieurs années en effet, plusieurs réalisateurs, dont certains issus de l’immigration, ont évoqué dans leurs films les problèmes et parfois les joies de ces communautés. Udayan Prasad lui-même a déjà tourné en 1996 Brothers in trouble qui racontait les difficultés des immigrés du sous-continent indien à leur arrivée sur le sol britannique. Tout dernièrement encore, Joue la comme Bekcham (Bend it like Beckham) de Gurinder Chadha a obtenu un grand succès populaire outre Manche, en contant les aventures d’une petite indienne passionnée de foot. My Son the Fanatic, tiré d’une nouvelle d’Hanif Kureichi, aborde de front le problème de l’intégration des immigrés pakistanais en Grande-Bretagne et de certaines tentations islamistes de la jeunesse anglo-pakistanaise (le film a été réalisé bien avant les attentats du 11 septembre…)…Il relève aussi que le problème de l’intégration ne se pose pas dans les mêmes termes pour les pères et les fils…
Une immigration ancienne et massive
D’abord, comme le montre le film, cette immigration est massive et ancienne. Parvez (Om Puri) raconte aux clients de son taxi qu’il est arrivé en Angleterre 25 ans auparavant avec son ami Fizzy « juste pour nourrir sa famille » comme il l’avoue simplement à Bettina…En fait, ils ont trouvé facilement du travail dans les industries textiles de Bradford, alors en plein essor. Mais les conditions de travail étaient dures pour ces jeunes immigrés…Ils « turbinaient » alors « sept jours sur sept », comme le dit Parvez à M. Schitz, son client allemand…
Le film nous rappelle ainsi que le Royaume-Uni est un des pays européens de forte immigration (avec l’Allemagne et la France). Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, un flux migratoire constant et important s’est mis en place depuis les anciennes colonies britanniques vers leur ex-métropole. Venant en particulier d’Asie, ces immigrés sont alors surtout des ruraux, très peu qualifiés mais attirés par les salaires plus élevés que dans leurs pays d’origine. Dans la communauté pakistanaise en particulier, une véritable chaîne d’immigration est en place à partir des années 1960 : les premiers arrivés préparent l’accueil et le soutien logistique des suivants. Cette organisation s’appuie sur une structure patriarcale très hiérarchisée ainsi que sur une unité religieuse et linguistique très homogène (parfois même régionale : un nombre important d’immigrés pakistanais vient de la région du Pendjab). Ce mouvement continue au cours des années 1970 avec notamment la pratique du regroupement familial quand il devient évident que le séjour en Grande-Bretagne sera plus long que prévu (dans le film My Son the Fanatic, Parvez a fait venir sa femme Minoo qui semble d’ailleurs le regretter amèrement…).
La communauté pakistanaise
Parvez, Minoo, et Fizzy appartiennent à la communauté pakistanaise, un des groupes les plus importants de l’immigration au Royaume-Uni. En 1991, les immigrés comptaient 3,3 millions de personnes, soit 5,9% de la population totale (ils étaient 2 millions en 1981). Les Indiens sont les plus nombreux (27% du total) et les Pakistanais constituent le deuxième groupe (17%) juste avant les Antillais (15%). Ils se sont surtout concentrés dans les régions industrielles de la vieille Angleterre, Londres et Birmingham en particulier.. Bradford, où se déroule l’action du film, compte 68 000 immigrés dont les deux tiers sont Pakistanais (ils repésentent, avec les immigrés bengali, 15% des 488 000 habitants de la ville). Les plus xénophobes se plaignent de cette implantation massive et la ville est parfois surnommée par dérision Bradistan…
Un désir d’intégration ?
Dans cette communauté se pose bien sûr le problème de l’intégration des immigrés pakistanais à la société britannique, qui est un des thèmes essentiels du film de Prasad . Cette intégration n’est pas nécessairement souhaitée par les Britanniques eux-mêmes. Comme le remarquait un rapport récemment remis à Tony Blair, les communautés semblent « vivre parallèlement les unes aux autres ». Mais cet « apartheid » de fait arrange d’une certaine façon la Grande Bretagne. Selon Anand Menon, maître de conférence à Oxford, « contrairement au modèle républicain universaliste français, il ne s’agit pas pour les Britanniques de fondre les nouveaux arrivants dans un moule égalitaire et de les intégrer à la société. En Grande Bretagne, l’étranger est souvent ignoré mais toléré, à défaut d’être accepté ». Une doctrine de séparation qui se veut respecteuse des uns et des autres (equal but seperated , comme dans le sud des Etats-Unis…)
Mais du point des vue des immigrés eux-mêmes , la tentation est forte de s’intégrer à la société britannique et notamment pour s’élever dans l’échelle sociale. Parvez par exemple n’a aucune envie de « rentrer au pays », au contraire de sa femme…Il est bien trop séduit par certains aspects de la civilisation occidentale : le whisky, le jazz, les saucisses du petit déjeuner…Il se sent chez lui, à Bradford, au point de faire une visite guidée de la ville à ses clients, comme s’il y avait vécu depuis plusieurs générations. De fait, il considère que son dur travail dans les usines de la ville l’autorise à se revendiquer comme un citoyen de Bradford à part entière…Il envie aussi la réussite de son ami Fizzy , dont le restaurant « typique » semble connaître un grand succès (sa femme le trouve « âpre au gain »), alors qu’il est seulement chauffeur de taxi depuis des années pour des revenus apparemment modestes. Il veut surtout que son fils Farid réussisse sa vie. Il le pousse à faire des études de comptabilité et surtout, suprême honneur, espère bien qu’il va épouser une charmante jeune fille anglaise, Madelaine, fille du chef de la police local. Lors des fiançailles, il multiplie les photos avec les deux familles mélangées…
Il existe d’ailleurs des preuves d’un frémissements d’une intégration réussie : la trajectoire de certains membres des milieux intellectuels témoigne de la vitalité de ces communautés (Prasad lui-même, Om Puri, le principal interprète du film, Hanif Kureishi et V.S Naipaul, auteurs reconnus au Royaume-Uni ou même Kulvinder Ghir, producteur de Goodness Gracious me, célèbre émission de télévision sur les Indo-pakistanais…). Mieux encore, les jeunes immigrés d’origine asiatique semblent particulièrement studieux : 71% des adolescents indiens entre 16 et 19 ans sont encore dans le circuit scolaire (seulement 58% des jeunes « Britanniques de souche »…). Un quart des étudiants en médecine sont d’origine pakistanaise…
La xénophobie au Royaume-Uni
Mais ce désir d’intégration se heurte à un rejet certain d’une partie de la population britannique. Dans le film, Parvez est durement éprouvé quand il se retrouve dans une boîte de nuit aux côtés de M. Schitz et de Bettina et qu’il subit les sarcasmes racistes d’un soi-disant humoriste (celui-ci traite le chauffeur de taxi de « Saldam Rushdie », de « trou du cul satanique »…). De même, l’inspecteur de police Fingerhut, le père de la fiancée de son fils, paraît un peu « dégouté » par les manières trop démonstratives de Parvez (c’est du moins ce que Farid affirme à son père…).
De ce point de vue, il est certain que l’opinion britannique a montré parfois plus que des réticences… dans les années 1970, Enoch Powell, membre du shadow cabinet du parti Conservateur, exacerbe les sentiments contre les immigrés. Lors d’un discours retentissant à Birmingham en 1968, il s’en prend directement aux étrangers : « il est souhaitable que s’organise un flux régulier de rapatriement volontaire pour les individus qui ne veulent pas ou ne peuvent pas s’intégrer (…). Ce pays ne sera plus digne d’être habité par nos enfants. Comme les Romains, il me semble voir le Tibre se couvrir de sang… » . Par la suite, les idées racistes vont s’incarner dans le mouvement skinhead de manière beaucoup plus violente surtout au cours des années 1970-1980. Leur détestation des Pakis est particulièrement forte : « ils ne sont rien, ni noirs ni blancs »…Ces décennies sont marquées par un regain de tension, des émeutes raciales nombreuses, qui concernent aussi les immigrés venus d’Asie (Notting Hill en 1977, East End de Londres en 1978, Londres à nouveau Manchester et Liverpool en 1981…) . Depuis cette mouvance a vu son influence décliner, en partie parce que le gouvernement Thatcher est arrivé au pouvoir et qu’il est apparu intraitable face à l’immigration, mais les tensions n’ont pas disparu. Mais ce sentiment xénophobe est sans doute partagé par une frange plus importante de la population… Selon des sondages récents, deux tiers de la population s’avoue raciste et ce sentiment de défiance est important envers les Pakistanais (30% des personnes interrogées disent s’en méfier…).
Les fraises et le curry
En tout état de cause, Farid , après avoir cédé pendant sa jeunesse aux sirènes de la civilisation occidentale, n’a pas de mots assez durs pour la rejeter de toutes ses forces. Il possède des atouts non négligeables : il parle très correctement l’anglais (au contraire de son père, qui a gardé un fort accent asiatique…) : il semble avoir été un élève modèle (« il n’avait que des A », selon Parvez)..Peur de l’avenir ? Peur de ne pas être admis réellement dans la société blanche ? Toujours est-il que le jeune homme coupe brutalement les ponts avec le british way of life, sous les yeux éberlués de son père…Il vide sa chambre de tous les objets « occidentaux » (photos de la fiancée, batte de cricket, guitare électrique…). Il reproche à la société britannique de « se noyer dans le sexe », de ne vivre que « pour les choses matérielles »…Il ne croit pas à une intégration possible et de toute façon, il ne le souhaite pas… : Répondant à son père qui évoque son mariage avec Madelaine, Farid affirme : « nos cultures ne peuvent pas se mélanger. Peut-on mélanger du curry avec des fraises ? ». Il va donc se réfugier dans l’islam le plus dur, rejoindre ceux « qui ne veulent plus de ce désordre », retrouver « la croyance, la pureté »…Il fait clairement allusion à un mouvement à la limite de la légalité, lorsqu’il évoque, au cours d’un dîner avec son père, « certains hommes en prison qui ont besoin de guide »…L’islam de Farid se revendique comme clairement antisémite et contre les « Blancs » (Farid reproche à son père d’avoir cédé « à la propagande judéo-blanche »). On peut aussi relever un rejet du système économique anglais (un soupçon de marxisme ?), quand Farid avoue à son père son intention d’arrêter ses études : « la comptabilité, c’est le capitalisme et l’exploitation ! ». Un peu plus tard, il décrit ainsi les usines de Bradford au guide spirituel venu du Pakistan : « cette grande cheminée est le symbole de l’ego démesuré des industriels britanniques du XIX° siècle »… Ce « mélange des genres » est d’ailleurs curieux : en général, l’islamisme est plutôt conservateur dans le domaine social. Faut-il y voir une réminiscence des idées autrefois marxisantes du scénariste ? Mais son islam est aussi très strict envers les femmes « qui manquent de foi et donc de raison »…Parvez est ainsi très choqué de s’apercevoir un beau matin que sa femme a été cantonnée dans sa cuisine par Farid et le « sage » venu de Lahore…de même, les deux hommes sont pleinement impliqués dans les manifestations organisées par les islamistes de ville contre les prostituées : ils assiègent une maison où se sont réfugiées les jeunes femmes, parmi lesquelles se trouve l’amie de Parvez, Bettina…
Le film de Udayanba Prasad correspond bien à une réalité. L’appartenance religieuse est fortement revendiquée par les immigrés pakistanais : 97% se réclament de l’islam et d’un islam d’autant plus « pur et dur » qu’il doit affronter un environnement hostile. En 1988, d’importantes manifestations ont eu lieu à Bradford contre le livre de Salman Rushdie : « Les versets sataniques » avaient été brûlés et des portraits de l’ayatollah Khomeiny brandis par la foule. Les Musulmans réclamaient alors une loi les protégeant du blasphème et des subventions pour leurs écoles…Selon Antoine Sfeir, les mouvements islamistes ont pris de l’ampleur depuis quelques années au Royaume-Uni. Par exemple, le groupe Tabligh et le Jama’at islami du Pakistanais Mawdoudi prêchent pour la constitution d’un état islamique…Les dirigeants du FIS algérien ont aussi trouvé refuge dans la capitale britannique. Le docteur Kalim Siddiki crée en 1992 un Parlement musulman, de stricte obédience. Le sheik Omar Bakri Mohamed installé à Londres, d’origine syrienne, rêve d’un califat qui s’étendrait jusqu’au Royaume-Uni, pour lui « territoire infidèle »…Il refuse totalement l’intégration : ses coreligionnaires ne sont pas « des Musulmans britanniques » mais des « Musulmans en Grande-Bretagne »…
En fait, tous ces mouvements ont longtemps bénéficié de la neutralité « bienveillante » des autorités britanniques : ils sont tolérés, « tant que ces islamistes ne menacent pas la sécurité nationale, ne participent pas à des opérations criminelles ou à des actes terroristes », comme l’affirme le ministère de l’intérieur.. Même depuis les attentats du 11 septembre, si la police a procédé à certaines arrestations et plusieurs enquêtes, l’heure est plus à la vigilance qu’à la répression. Comme l’écrit un journaliste du Times, « alors que la France est prompte à judiciariser les extrémistes, l’Angleterre préfère les sanctuariser. En d’autres termes, leur laisser une certaine liberté d’expression pour les surveiller et ne pas les les pousser vers la clandestinité »…On n’oubliera pas que l’argent islamique-voire islamiste-pèse d’un poids certain à la City : 4 000 associations charitables, 50 banques, 3 millions de livres perçues au titre de l’impôt musulman (Zakat) sans compter les dons volontaires, les sommes en jeu sont considérables…
Quoi qu’il en soit, les islamistes ont le vent en poupe et en profitent pour tenter de s’implanter dans les 500 mosquées que compte le Royaume-Uni, pour développer leur presse, pour infiltrer les associations de croyants déjà en place…Dans My Son the Fanatic, un incident oppose d’ailleurs à la mosquée ces jeunes islamistes aux imams traditionnels…En tout cas, leur propagande s’oriente surtout vers la jeunesse, et avec un certain succès. Un journaliste d’un hebdomadaire musulman londonien relève que « la première génération suit la loi islamique à la lettre, la deuxième a choisi de rechercher l’esprit de cette loi »…
Règlements de compte familiaux
Nul doute que l’engagement de Farid dans l’islamisme est une manière aussi pour lui de « régler ses comptes » avec son père… Déjà, il lui reproche sa soumission, de sa servilité envers des gens qui le haïssent..Il l’accuse de se « compromettre » avec la civilisation occidentale « décadente». En particulier, il lui en veut de fréquenter des prostituées, d’organiser des « partouzes » pour son client allemand…En quelque sorte, il inverse le rapport d’autorité traditionnelle si fort dans la communauté pakistanaise, qui veut que ce soit le père qui fasse la leçon à son fils, et sûrement pas l’inverse…Farid se sert de l’islam pour mettre Parvez en infériorité et celui-ci est désarçonné par cette tactique. Lors du dîner orageux dans le restaurant de Fizzy, le chauffeur de taxi se sent vaguement coupable quand son fils lui lance certaines accusations à la figure et il se se réfugie dans la boisson, augmentant ainsi le malaise (cf la séquence reproduite dans ce dossier : Une explication de famille). Un peu plus tard, à court d’arguments, il finit par frapper son fils pour le faire taire et Farid de répliquer : « alors qui est le fanatique ? »…
En fait, Parvez est dans une situation difficile. Il se rend bien compte que le sort des Pakistanais à Bradford est loin d’être enviable. « Combien de nous sont-ils heureux ici ? », s’interroge-t-il en discutant avec M. Schitz…L’homme d’affaires allemand lui fait d’ailleurs remarquer qu’il ne maitrise pas encore parfaitement l’anglais après tant d’années passées au Royaume-Uni…Au début, Parvez est même presque soulagé lorsqu’il comprend que Farid s’est engagé dans la voie de la religion. Comme il le confie à Bettina, il est d’abord très inquiet car il craint que son fils ne soit devenu homosexuel ou drogué…Mais il est séduit par l’Angleterre. Il lui rappelle que les cultures ont déjà commencé à se mélanger depuis longtemps et qu’il faut s’adapter au pays où l’on vit…Il ne se fait pas faute non plus de montrer à son fils les hypocrisies de certains imams. Parvez lui même a été définitivement « guéri » de la religion islamque à cause du traitement qu’il avait subi dans sa jeunesse, quand il apprenait l’islam avec un soit-disant « homme de foi » plutôt sadique…Il rappelle au « sage de Lahore » qu’au « pays des Purs », il existe aussi des prostituées dans les grandes villes…Il ne manque pas d’informer Farid que le guide spirituel veut s’installer dans l’Occident « décadent » et qu’il lui a demandé de lui fournir des papiers (Parvez surprend d’ailleurs le « sage » en train de s’esclaffer devant un dessin animé qui passe à la télévision…). Il est d’autant plus « remonté » contre l’imam que celui-ci devient franchement envahissant et dépense sans compter (c’est Parvez qui doit régler des factures astronomiques pour le téléphone ou l’électricité…). Parvez a une attitude parfois paradoxale. Il veut laisser à son fils « son libre arbitre » comme cela se fait en Angleterre : en même temps, il se sert de l’autorité paternelle traditionnelle pour imposer à Farid un mariage arrangé…avec une Anglaise !
Parvez et Bettina…
Enfin , le film My Son the Fanatic aborde un thème cher à Hanif Kureishi, la constitution de couples mixtes, issus d’origines différentes (on le retrouve dans beaucoup de scénarios ou de livres écrits par l’auteur, lui même né d’un père pakistanais et d’une mère anglaise…). Visiblement, Parvez et Bettina se retrouvent car ils sont tous deux isolés dans leur propre communauté : la jeune femme utilise un prénom d’emprunt et semble vivre seule ; le chauffeur de taxi partage ses journées entre son travail et sa cave-refuge, où il peut boire tranquillement son whisky en écoutant des disques de jazz…Leur amour est une façon de joindre leurs deux solitudes…Quand ils se découvrent l’un l’autre, ils s’émancipent de leur entourage, des préjugés de leur communauté d’origine. D’ailleurs, leur liaison est mal vue : même Fizzy, l’ami de Parvez, n’accepte de l’aider que s’il rompt son idylle avec la jeune femme…Ils se comportent en êtres humains libres (sans doute Parvez a-t-il épousé Minoo, son épouse pakistanaise à la suite d’un mariage arrangé…). Mais le film est ambigu sur l’avenir de leur relation…
A la fin du film, la rupture de la cellule familiale semble consommée : Minoo a quitté la petite maison sans doute pour rentrer au Pakistan, Farid a rejoint ses amis islamistes…Mais la dernière séquence montre que Parvez garde l’espoir, comme il l’a confié à Bettina. Allongé devant la porte de la chambre de Farid, un verre d’alcool à la main, il attend le retour du fils « égaré » sur les chemins de la foi…My Son the Fanatic pose bien le problème de la seconde génération : à défaut de s’intégrer, elle risque de basculer vers l’islamisme et l’ambiance depuis le 11 septembre n’a sans doute rien arrangé. Comme le redoute un journal britannique, « notre pays, longtemps terre d’asile, deviendra-t-il terre de fracture à cause d’un homme, Ben Laden s’étant fixé pour but d’organiser une guerre entre musulmans et non-musulmans ? ». Les émeutes au sein de la communauté pakistanaise qui ont eu lieu pendant l’été 2001 à …Bradford sonnent comme un avertissement. Le film de Prasad et Kureishi est,dans un sens, prémonitoire…