Archives pour la catégorie Le cinéma allemand des années 1920 et 1930
L’équipe de M. le Maudit
Thea Von Harbou
Thea Von Harbou est née en1888 en Franconie et meurt en 1954 à Berlin : elle une romancière, scénariste, réalisatrice de deux films et actrice de théâtre allemande.
Elle commence à écrire dès sa prime jeunesse, fut l’un des auteurs de littérature populaire les plus célèbres de la fin de l’Empire allemand et pendant la république de Weimar. Sa carrière théâtrale la conduisit à monter sur scène notamment à Aix la Chapelle, Dusseldorf et Munich.
Sa carrière de scénariste débuta après la première guerre mondiale et elle devint rapidement une professionnelle appréciée : elle travaille ainsi pour Joe May, Car Theodor Dreyer, Arthur von Gerlach , Friedich Wilhelm Murnau…et Friz Lang. Elle est mariée à l’acteur allemand Rudolf Klein-Rogge de 1914 à 1921 et même lorsqu’ils se séparent , elle le soutient (elle intervient pour qu’il obtienne le rôle de Docteur Mabuse , le joueur, le film de Lang, dont elle avait écrit le scénario.
En 1922, elle épouse Fritz Lang, le metteur en scène du film, qu’elle avait connu dans le cadre de son travail de scénariste dès 1919. À partir de ce moment-là, elle écrivit tous les scénarios des films de Fritz Lang jusqu’à ce qu’il émigre aux États-Unis en 1933. Parmi ces films , on peut citer Les Nibelungen (1924) M le maudit (1931), et surtout Metropolis (1927) pour lequel elle écrivit le scénario parallèlement au roman éponyme.
Leur couple ne survécut pas à la liaison de Fritz Lang avec l’actrice Gerda Maurus. En outre, Fritz Lang ne supportait plus les penchants nazis de son épouse et leurs points de vue divergeaient déjà en 1927 vis-à-vis de la morale de leur film commun Metropolis.
Lors du montage du film Le Testament du docteur Mabuse, Thea von Harbou fait la connaissance de l’Indien Ayi Tendulkar avec qui elle vécut pendant plusieurs années. Le divorce de Thea von Harbou et de Fritz Lang fut prononcé en avril 1933. En 1933 et 1934, Thea von Harbou essaya de travailler comme scénariste sur deux films (Hanneles Himmelfahrt et Elisabeth und der Narr) avant de décider de revenir à son premier métier. Pendant la période nazie, elle est romancière et adhére au NSDAP en 1940. Après une courte période d’emprisonnement en 1945 au moment de la dénazification, elle travaille à nouveau dans le cinéma à partir de 1948 dans le domaine de la synchronisation de films étrangers.
Peter Lorre
Peter Lorre, de son vrai nom László Löwenstein, naît de parents juifs en Autriche-Hongrie en 1904.
Il commence sa carrière sur les planches à l’âge de dix-sept ans à Vienne sous la direction de Richard Teschner, À la fin des années 1920, il part pour Berlin où il travaille avec Bertolt Brecht, notamment dans sa pièce Un homme est un homme (Mann ist Mann). Il joue ensuite le rôle du Dr Nakamura dans Happy End, une comédie musicale adaptée de Brecht et composée par Kurt Weil..
C’est grâce au film M le maudit (M – Eine Stadt sucht einen Mörder) de Fritz Lang (1931) que Peter Lorre fait des débuts fracassants au cinéma. Il y interprète le rôle-titre, incarnant un tueur d’enfants, personnage le plus emblématique de sa carrière.
Il quitte l’Allemagne en 1933, année de l’avènement d’Hitler au pouvoir, se réfugiant d’abord à Paris, puis à Londres. C’est dans cette ville qu’il est repéré par Ivor Montagu, coproducteur du film L’homme qui en savait trop (The Man Who Knew Too Much) d’Alfred Hitchcock grâce à qui il obtient le second rôle du « méchant ». Malgré son faible niveau d’anglais, qu’il rattrape rapidement par un apprentissage phonétique, il réapparaît l’année suivante dans un autre film d’Hitchcock, Quatre de l’espionnage (Secret Agent). En 1935, Peter Lorre part pour Hollywood, où il fait ses débuts dans Les Mains d’Orlac (Mad Love) de Karl Freund. Parallèlement, il commence une série de films intitulée Mr. Moto, dans laquelle il incarne un détective japonais, personnage qui succède à celui de Charlie Chan, série qui avait connu un grand succès précédemment.
Trois ans après son départ d’Allemagne, Peter Lorre reçut personnellement une lettre écrite par Hitler. Cette lettre exprimait son admiration pour l’acteur notamment pour son rôle dans M le maudit où il jouait le tueur d’enfants et annonçait que Lorre pouvait retourner en Allemagne y continuer sa carrière malgré son origine juive. Peter Lorre répondit que l’Allemagne avait déjà un assassin de masse et qu’il n’y avait pas de place pour en mettre un deuxième. Un affront qu’Hitler ne pardonna jamais. Durant la guerre, on trouva sur un agent allemand capturé par le FBI le nom de Peter Lorre classé troisième sur une liste de cent personnes à exterminer.
L’année suivante, en 1940, on le voit apparaître aux côtés des grands noms du cinéma d’horreur hollywoodien, Bela Lugosi et , dans You’ll find out de Kay Kaiser. Il enchaîne les films d’aventures et de suspense pour la Warner. La même année -1942-, il joue successivement aux côtés de Humphrey Bogart dans Le Faucon maltais de John Huston et Casablanca de Michael Curtiz . Il s’illustre aussi dans le rôle de Docteur Einstein dans une comédie signée Frank Capra, Arsenic et vieilles dentelles , sorti en 1944.
Traversée du désert et chute dans l’oubli
Naturalisé américain en 1941, Peter Lorre connaît une traversée du désert au cinéma après la Seconde Guerre mondiale, mais continue d’apparaître dans des émissions de radio et sur les planches. Il retourne en Allemagne où il s’essaie à l’écriture et à la réalisation avec L’Homme perdu (Der Verlorene), en 1951, dans lequel il tient également un rôle, film imprégné du film noir et qui connaîtra un succès critique. Il rentre aux États-Unis,où il continue à apparaître dans des films de télévision . En 1954, il apparaît au côté de James Mason et Kirk Douglas dans l’adaptation du roman de Jules Verne par les Studios Disney, de Vingt mille lieues sous les mers (20,000 Leagues Under the Sea). Enfin, dans les années 1960, il travaille avec Roger Corman dans des films populaires à petits budgets.
Souffrant de troubles chroniques de la vésicule biliaire, Peter Lorre suivra durant toute sa carrière un traitement à la morphine à laquelle il deviendra véritablement dépendant dès 1935. Ajoutée à son problème de surpoids, cette dépendance rendra sa carrière difficile, sa vie privée agitée, et lui fera connaître une longue descente aux enfers. Il meurt prématurément à l’âge de 59 ans, en 1964.
Gustaf Gründgens,
Cet acteur et metteur en scène allemand est né en 1899 à Düsseldorf et mort en 1963 à Manille aux Philippines,
Il a fréquenté l’avant-garde artistique et littéraire sous la République de Weimar et il est à cette époque surtout un acteur de théâtre : il vient au cinéma en 1923, dans le film Danton, de Dimitri Buchowestki, auquel participent de très grandes vedettes de l ‘époque (Emil Jannings, Conrad Veidt et Werner Krauss). Il est aussi un des interprètes d’Une femme dans la lune de Fritz Lang en 1929. Il se fait surtout remarquer pour son interprétation du chef de la pègre dans M. le Maudit.
En 1933, il se rallie au nazisme et il est l’objet de beaucoup d’attentions par les autorités du Troisième Reich. Beaucoup ont vu dans ce ralliement une forme d’opportunisme voire, symboliquement, une sorte de pacte faustien avec le régime nazi. Il est ainsi nommé acteur d’état en 1933, intendant général des théâtres dramatiques de Prusse en 1934 : il est conseiller d’état en 1936, et devient intendant général l’année suivante.
Après le conflit, il est directeur du théâtre Deutsches Schauspielhaus de Hambourg de 1955 à 1963.
Klaus Mann, qui a eu une liaison avec lui en 1926, s’est inspiré de lui pour le personnage principal de Mephisto (1936), que le réalisateur hongrois István Szabó a porté à l’écran en 1981.
Textes à propos de M. Le Maudit
Comment Fritz Lang présente son film…
« Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, M n’était pas tiré de la vie de l’infâme assassin de Düsseldorf, Peter Kürten. Il se touve qu’il avait juste commencé sa série de meurtres pendant que Thea Von Harbou et moi étions en train d’écrire le scénario. Le script était terminé bien avant qu’il ne soit pris. En fait, la première idée du sujet de M m’est venue en lisant un article dans les journaux en quête d’un point de départ pour une histoire. A cette époque, je travaillais avec la « Scotland Yard » de Berlin (à Alexenderplatz) et j’avais accès à certains dossiers dont la teneur était assez confidentielle. C’étaient des rapports sur d’innommables assassins comme Grossmann de Berlin, le terrible ogre de Hanovre (qui a tué tant de jeunes gens) et d’autres criminels de même acabit. Pour le jugement, dans M, je reçus l’aide inattendue d’une organisation de malfaiteurs parmi lesquels je m’étais fait des amis au début de mes recherches sur le film. En fait, j’ai utilisé douze ou quatorze de ces hors-la-loi, qui n’étaient pas effrayés à l’idée d’apparaître devant ma caméra car ils avaient déjà été photographiés par la police. D’autres auraient bien aimés m’aider, mais ils n’ont pas pu le faire, parce qu’ils n’étaient pas connu des brigades criminelles . J’étais en train de finir le tournage des scènes où se trouvaient donc de véritables malfaiteurs, quand j’ai été informé que la police arrivait. Je l’ai dit à mes amis mais en les priant de rester pour les deux dernières scènes. Ils acceptèrent tous et j’ai tourné très rapidement. Quand la police arriva, mes scènes étaient déjà dans la boite et mes « acteurs » avaient tous disparu dans le décor. »
(Fritz Lang, « la nuit viennoise », Cahiers du Cinéma n°179, juin 1966)
L’interprétation d’un historien du cinéma :
« On a coutume de réduire M le Maudit à son anecdote, c’est à dire de n’y voir que le cas pathologique offert par un assassin d’enfants, cas admirablement exposé et incarné par Peter Lorre avec une science de comédien qui tient du génie. On sait qu’un fait divers se trouve à la base du scénario. Il s’agit d’un sadique qui répandit la terreur en Allemagne en 1925 et qu’on désignait sous le nom de « Vampire de Dusseldorf ».
Cette manière d’envisager une œuvre (…) en diminue singulièrement la portée. Car Le Maudit dépasse de loin la simple description d’une névrose individuelle pour cristalliser, avec une violence expressive exceptionnelle, à la fois l’esprit d’une époque et celui d’une société définie : en 1931, il possédait des accents prophétiques. Le caractère du meurtrier de petites filles qui se met à siffler l’air de Peter Gynt de Grieg lorsqu’il entre en crise, ne peut pas s’expliquer en effet uniquement par des considérations d’ordre psychologique.
Cet homme, rongé par la solitude et le désœuvrement, qui rôde autour des préaux et qui offre aux enfants des sucreries ou des ballonnets, est un homme qui souffre d’abord d’un mal social. En lui, les contradictions d’un régime économique et politique atteignent un stade de virulence dangereuse et sa maladie psychique n’est en définitive que celle, personnalisée, de la la république de Weimar agonisante le long de ces rues sans joie, de ses files de chômeurs, tandis que sous le couvert du socialisme, le nationalisme revanchard plante les premiers jalons de « l’ordre nouveau ».
En face de l’anarchisme de la pègre qui lentement passe à l’organisation d’une société dans la société, d’un groupe humain fondant ses propres lois et sa propre justice contre les lois et la justice de l’Etat (afin de prendre, seul, et dans le mépris, l’initiative d’écraser ceux qu’il désigne comme des cloportes) se dressent les pouvoirs policiers avec leur bureaucratie et leurs méthodes scientifiques d’investigation. Les crimes du « maudit » aboutissent donc moins à briser les règles d’une morale qu’à troubler et à dévoiler, en même temps que de primaires désirs, les relations de l’autorité avec la misère et les réactions d’un peuple en loques devant les commissaires flanqués de leurs chiens, de leurs agents en uniforme, et dirigeant les opérations par le moyen de téléphone. Simultanément, l’appareil policier ne manque pas de donner d’inquiétants signes de faiblesse tandis que du côté des hors la loi se reconstitue une hiérarchie, illustrée par le chef ganté de noir, portant manteau de cuir et chapeau melon.
Entre l’administration gouvernementale oppressive et le « Lumpenproletariat » qui se rassemble autour des meneurs, il y a la masse que constituent les classes moyennes, les politiciens de brasserie qui fument de gros cigares et boivent des bières pour se donner le sentiment d’exister, ceux-là même qui, le moment venu, n’hésiteront pas à se ranger du côté de l’oppression, à lancer la jeunesse dans les carnages au nom de la pureté de la race et de l’espace vital revendiqué par le pangermanisme. Rarement un film n’a su déployer avec de telles nuances l’analyse spectrale d’un milieu capté globalement, à l’instant d’une brutale mue historique.
(Freddy Buache, Le cinéma allemand 1918-1933, 5 Continents-Hatier, 1984 )
La vision de Siegfried Kracauer :
« Cette confession (celle de M à la fin du film) marque clairement que le meurtrier appartient à une vieille famille de personnages du cinéma allemand. Il ressemble à Baldwin de L’étudiant de Prague, qui succombe lui aussi à l’attrait de son autre lui-même diabolique : et c’est un rejeton direct du somnambule Cesare (in Le cabinet du docteur Caligari) . Comme Cesare, il vit dans la tentation de tuer. Mais tandis que le somnambule se soumet inconsciemment au pouvoir supérieur du Dr Caligari, l’assassin d’enfants, se soumet à ses propres impulsions pathologiques et en outre, il est pleinement conscient de cette soumission contraignante. La manière dont il le reconnaît, révèle ses affinités avec tous les personnages dont l’ancêtre est le philistin de La Rue. Le meurtrier est le chaînon entre deux familles cinématographiques ; en lui, les tendances incarnées par le philistin et le somnambule fusionnent. Il n’est pas simplement un composé fortuit de l’habituel tueur et du petit bourgeois soumis : selon sa confession, ce Cesare modernisé est un tueur en raison de sa soumission, Caligari se trouvant en lui-même. Son apparence physique renforce l’impression d’une totale immaturité-une immaturité qui compte également pour la croissance exubérante de ses instincts meurtriers.
Dans son exploration de ce personnage, M le Maudit confirme la morale de L’Ange bleu : à savoir que dans le sillage de la régression, de terribles flambées de sadisme sont inévitables. Ces deux films sont issus de la situation psychologique de ces années cruciales et tous deux anticipent ce qui allait advenir sur une vaste échelle, à moins que les gens ne se libérassent des spectres qui les poursuivaient. Le modèle n’est pas encore en place. Dans les scènes de rue de M Le Maudit, des symboles aussi familiers qu’une spirale tournante dans la devanture d’un opticien et le policier guidant un enfant à travers la rue, sont ressuscités. La combinaison de ces thèmes avec celui d’une poupée sautillant sans cesse de haut en bas, révèle l’oscillation du film entre les notions de l’anarchie et de l’autorité. »
(Siegfried Kracauer, De Caligari à Hitler, Une histoire du cinéma allemand 1919-1933, Champs contre Champs, Flammarion, première édition : 1946, rééditions : 1973,1987)
L’analyse d’un historien :
« Les historiens du cinéma , à la suite de S. Kracauer, ont vu dans le film une sorte de reflet de la société dans lequel, ici, les truands représentent les nazis et leur chef Schrenke serait le Führer. De fait, grand amateur de cinéma, Hitler a été fasciné par la figure de Schrenke et un regard attentif aux actualités allemandes de 1931-1934 témoigne qu’il a adopté certaines postures et même des gestes de Schenke, avec son coude, par exemple, ou par sa manière de s’interrompre quand il parle . Fritz Lang a exercé aussi un certain ascendant sur les nazis, et comme on le sait, Goebbels lui a proposé en 1933, bien qu’il fût Juif, de prendre la direction du cinéma allemand. Mais Fritz Lang a jugé plus sage d’émigrer.
Cette contre société (nazie) au cœur de la république de Weimar, transcrite sous la forme d’une contre-société (de truands) au sein de cette même société, voilà qui, dans le film de Fritz Lang, n’est pas du tout affecté d’un signe négatif. Le truand Horst Wessel était-il un criminel, qui est devenu le héros d’un hymne nazi ? Dans le film, le gang est organisé de façon très hiérarchique, ses membres sont lucides, efficaces. A l’inverse, les représentants de l’État peuvent être intelligents mais ils ne sont pas aussi nets, ils n’inspirent pas une confiance absolue. Les premiers pourraient prendre la place des seconds, ils se ressemblent et le spectateur ne protesterait pas…Tel est le sens du fameux montage parallèle dans lequel les deux groupes –la police et les criminels- essaient simultanément, et en se concurrençant- mais sans le savoir- de trouver le criminel.
Le film soulève aussi le problème de la responsabilité individuelle et de la justice collective. M est un criminel qui ne se contrôle pas ; c’est un malade, est-il responsable ? A leur façon, tous les délinquants sont, aussi, des malades. Or la Cour des truands, qui va juger le meurtrier, ne le pense pas. Ils estiment que si on le libère, il recommencera à tuer les petites filles. Ils expriment ainsi le sentiment populaire, en faveur de la peine de mort, car ils voudraient exécuter tout de suite le criminel sur qui ils ont mis la main. De fait, après 1933, le régime nazi agira ainsi, qui exterminera les handicapés et les malades incurables, insistant sur le fait qu’il vaut mieux construire des habitations pour les travailleurs que dépenser cet argent à soigner les incurables. Or, à la fin du film, Fritz Lang –ou Thea Von Harbou sa compagne qui était nazie- ont placé un carton qui indique, après que le dernier plan eut montré la police soustraire le criminel aux truands qui le jugeaient : « Et maintenant, nous devons surveiller nos enfants »-, ce qui manifeste la méfiance des auteurs du film vis à vis de la démocratie de Weimar et trahit leur idéologie. Les plébéiens au pouvoir après 1933 n’ont pas prétendu appliquer les droits de l’homme de 1789, le droit de se défendre en justice.
Un autre trait intéressant apparaît dans l’analyse que fait Fritz Lang. Si le montage parallèle révèle clairement que les deux sociétés, chacune avec son code et ses méthodes, sont à la fois similaires et différentes et nous voyons aussi qu’elles ne fonctionnent pas de la même façon.
Pour retrouver le criminel, l’État et la police utilisent des techniques sophistiquées et font appel à la science, la géométrie, la chimie. L’institution s’appuie sur le savoir. Au contraire, les truands et plus encore les mendiants, qui leur sont associés, emploient plutôt leurs sens, leur instinct pour pister le criminel. Ainsi, c’est un aveugle qui le découvre, parce qu’il a reconnu la façon dont il sifflotait.
Cette analyse du film révèle donc une opposition cachée, latente, entre instincts et institutions, glorifiant ainsi la légitimité et la valeur de la contre-culture, celle des marges, libre et naturelle, pleine de vitalité alors que celle de l’État et de la démocratie est impuissante et peu crédible.
Ainsi ,dans M. ,le fait divers devient le prétexte, volontaire ou non, d’une analyse d’une société et d’un des problèmes qu’elle n’arrive pas toujours à résoudre : les motivations des criminels, la façon dont ils sont différemment perçus (…).
Fritz Lang est sans doute le premier cinéaste qui ait su, grâce au fait divers, faire une analyse scientifique d’un cas de société. Il est ainsi le plus grand des cinéastes historiens »
(Marc Ferro, Cinéma et Histoire, Éditions Folio, première édition 1977, réédition 1993)
le cinéma allemand des années 1920 aux années 1930 (filmographie)
Ernst Lubitsch :
–Madame Dubarry, 1919
–Anne Boylen, 1920
Le cinéma expressionniste allemand :
–Le cabinet du docteur Caligari (Das Kabinett des Doktors Caligari), Robert Wiene, 1919
–Le Golem (der Golem), Paul Wegener, 1920
–Le cabinet des figures de cire (Wachsfigurenkabinett), Paul Leni, 1924
Le retour au réel :
Le Kammerspeile :
–La nuit de la Saint Sylvestre (Sylvester), Lupu Pick, 1923
–Variété, Edwald Andreas Dupont, 1924
–Le dernier des hommes (Der letze Mann), Friedrich Wilhelm Murnau, 1924
–Le journal d’une femme perdue (das Tagebuch einer Verlorenen), Georges Wilhelm Pabst, 1928
Les films de rue :
–La Rue (Die Strasse), Karl Grüne, 1923
–La Rue sans joie (Die freudlose Gasse), Georges Wilhelm Pabst, 1925
-Asphalt, Joe May, 1929
La « nouvelle objectivité »
–Berlin , symphonie d’une grande ville (Berlin, Symphonie einer Grosssatdt), Walter Ruttmann, 1927
–Les Hommes le dimanche (menschen am Sonntag), Robert Siodmack, Edgar G. Ulmer, Billy Wilder, 1929
–Berlin Alexanderplatz, Phil Jutzi, 1931
–Ventres glacés (Khüle Wampe), Slatan Dudow, 1932
Les « grands maîtres »du cinéma allemand
Friedrich Wilhelm Murnau
–Nosferatu le Vampire (Nosferatu, eine Symphonie des grauens), 1921
–Le dernier des hommes (Der letze Mann), 1 924
–Faust, 1925
Georges Wilhelm Pabst
–La Rue sans joie (Die freudlose Gasse), 1925
–Le journal d’une femme perdue (das Tagebuch einer Verlorenen), 1928
–Loulou, 1929
–Quatre de l’infanterie ( Westfront), 1930
–L’Opéra de quat’sous (Dreigroschenoper), 1931
–La tragédie de la Mine (Kameradschaft), 1931
Fritz Lang
–Les Araignées (Die Spinnen), 1919
–Les trois Lumières (Der Müde Tod), 1921
–Le docteur Mabuse (Doktor Mabuse der Spieler), 1922
–Die Nibelungen (deux parties : La mort de Siegfried et La vengeance de Kriemhilde), 1924
–Metropolis, 1925
–Les Espions (Spione), 1928
–La Femme sur la lune (Frau im Mond), 1929
–M Le Maudit (Mörder), 1931
–Le testament du docteur Mabuse, 1933
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE :
-Fritz Lang, Les trois lumières, textes réunis par Alfred Eibel, Flammarion, Paris, 1988
-Siegfried Kracauer, De Caligari à Hitler, Flammarion, Paris, 1987
-Lotte Eisner, Fritz Lang, Cahiers du Cinéma, Paris 1984
-Lotte Eisner, L’écran démoniaque, Ramsay, Paris 1985
-Bernard Eisenschitz, Le cinéma allemand, Nathan, Paris 1999
-Michel Marie, M Le Maudit, Nathan Synopsis, Paris 1996